🧠 Découverte de la semaine
Regardez la photo ci-dessous avec deux situations :
(Pas de bonne ou mauvaise réponse, c’est juste un sondage express.)
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Dans plus de 80 % des cas (Sapir, 1929), les gens préfèrent la version B : grande = “mal”, petite = “mil”.
Pourquoi ? Parce que certains sons évoquent spontanément la taille ou la puissance, même sans qu’on s’en rende compte.
Et ce n’est pas qu’un vieux concept théorique : c’est un levier marketing pour trouver des noms plus intuitifs et cohérents, donc plus mémorables.
🔬 Explications scientifiques
Bouba vs Kiki : la démo la plus célèbre
On donne deux mots fictifs, “bouba” et “kiki”, et deux formes : une ronde, une pointue.
95 % des gens associent “bouba” à la forme ronde, “kiki” à la forme pointue (Ramachandran & Hubbard, 2001) :
“Bouba” se prononce en arrondissant la bouche → renvoie une impression de rondeur.
“Kiki” se dit avec la bouche plus tendue, plus pointue → sonorité perçue comme plus “tranchante”.
1) Les sons aigus vs graves
Voyelles aigües (i, é) → petit, léger, rapide
Voyelles graves (a, o, u) → lourd, imposant, puissant
C’est lié au fait que dans la nature, les petits objets produisent des sons aigus (piaulements), les gros objets produisent des sons graves (grondements).
2) C’est universel
Même des bébés ou des peuples isolés (Namibie) distinguent “bouba” (forme ronde) et “kiki” (forme pointue) (Maurer et al., 2006 ; Bremner et al., 2013).
Et du côté du japonais ? Iwasaki, Vinson et Vigliocco (2007) ont étudié comment des anglophones, sans connaître la langue, identifiaient des onomatopées décrivant différents types de douleurs : “kiri-kiri” (douleur aiguë, vive) vs. “shiku-shiku” (douleur sourde, persistante).
Résultat : Les participants associ(ai)ent spontanément ces mots à des sensations de douleur spécifiques.
Conclusion : Certains aspects du symbolisme sonore transcendent les barrières linguistiques.
3) Influence du visage
Si un mot oblige un certain mouvement (ex. “iiiii”), votre cerveau reçoit des signaux (petit, léger, joyeux) liés à cette articulation.
Même principe : des chercheurs ont fait tenir un crayon entre les dents à des participants — ça les faisait sourire sans s’en rendre compte. Résultat : ils trouvaient les cartoons plus drôles (Strack et al., 1988).
On parle de fluence kinesthésique : la façon dont nos muscles faciaux se contractent pendant la prononciation influence l’image qu’on se fait d’un mot.
4) Intonation et social
Quand on pose une question, on monte la voix (pour paraître moins menaçant).
Quand on affirme, on la baisse (pour affirmer l’autorité) (Ohala et al., 1997).
Les sons activent donc des connotations émotionnelles (douceur, force, sympathie…).
5) L’effet “double activation”
Quand vous lisez un mot, vous l’entendez aussi dans votre tête.
Cette prononciation interne peut impacter vos décisions (Davis & Herr, 2014) :
Lire “bye” prime “buy” → augmentation de l’intention d’achat
La marque de boisson “Bai” mise peut-être sur ce jeu phonétique.
💎 Résumé
La prochaine fois que vous créez un nom, rappelez-vous : chaque phonème provoque en nous des associations inconscientes.
👉 Ne cherchez pas juste un “nom joli” : visez celui qui évoque la bonne sensation (ex. “Frosh” semble plus crémeux que “Frish”)
👉 Testez à voix haute : la bouche arrondie, les intonations, ça compte plus qu’on ne le croit